Publié le dimanche 14 novembre 2010 sur La Provence.com
Les autorités ont fait immerger ces trésors italo-romains au large du Frioul et à Niolon. Pillage impossible !
Dans la rade, les plongeurs vont se régaler en découvrant ces gisements. Un trésor qui va bénéficier d’un système anti-vol !
Photo Jean-Luc Verdier
Disposées avec soin au fond de la rade de Marseille, des centaines d’amphores italo-romaines datant des premiers siècles avant et après Jésus-Christ, sont désormais offertes aux plongeurs sous-marins qui peuvent les approcher et même les toucher sans risquer de s’attirer les foudres de l’administration ou de la justice. Une initiative que l’on doit à la direction du Département des recherches archéologiques subaquatique et sous-marines (Drassm), entité du ministère de la Culture, dont le siège national se trouve à l’Estaque.
Comme l’explique Marine Jaouen, technicienne de recherches, « le Drassm disposait d’un stock considérable d’amphores issues des toutes premières campagnes de fouilles archéologiques menées entre 1954 et 1957 par le commandant Cousteau sur les deux épaves du Grand Congloué, dans l’archipel de Riou. La conservation de ce fonds, dans nos locaux du fort Saint-Jean, nous coûtait excessivement cher, tout comme aurait été hors de prix son transfertvers un autre lieu d’entreposage. Nous ne savions plus quoi en faire, d’autant que tous les musées avaient été pourvus et que ces amphores, largement étudiées depuis cinquante ans, ne présentaient plus de réel intérêt scientifique. La plupart étaient d’ailleurs brisées ou endommagées. D’où l’idée de les rendre à la mer, tout en permettant aux plongeurs de ressentir le frisson des explorateurs sous-marins découvrant un site archéologique vierge ».
Après une première expérience menée au Frioul, dans la calanque Debié, où une centaine d’amphores ont été réunies par 15 mètres de fond, c’est la calanque de Niolon, sur la Côte Bleue, qui abrite depuis la semaine dernière un champ encore plus vaste et plus accessible, à seulement 13,50 m sous la surface; profondeur que peuvent atteindre en toute sécurité des plongeurs de niveau 1. Une opération menée en collaboration avec les clubs locaux et la Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM) dont le siège national est lui aussi à Marseille.
Mais pour réussir son pari, le Drassm devait d’abord convaincre son ministère de tutelle et les administrations concernées de l’intérêt à la fois écologique et économique du projet. Pendant 18 mois, son directeur, Michel L’Hour, assisté de son conservateur du patrimoine, Patrick Grandjean, et de Marine Jaouen, ont fait le siège de la préfecture maritime afin d’obtenir l’autorisation de réimmerger leur « trésor ». « Nous avons dû démontrer l’innocuité des piècesen céramique et en terre cuite vis-à-vis du milieu sous-marin, leur impact positif sur la faune, en particulier les poulpes qui peuvent y trouver refuge. Sans oublier l’attractivité des sites pour les plongeurs et les retombées que l’on pouvait en attendre sur le plan touristique ».
Restait un dernier problème : éviter que des visiteurs mal intentionnés ne se livrent à un pillage en règle de ces champs d’amphores. Un système anti-vol a alors été spécialement mis au point par le Drassm, constitué d’un câble en acier qui ne peut être sectionné qu’avec des moyens lourds. Ce câble relie chaque pièce au fond sous-marin et toute tentative de décrocher l’une d’elles, la brise en mille morceaux…
Philippe GALLINI